Resah : « Il y a beaucoup de data que nous n’exploitons pas et l’IA va nous aider à l’analyser »
Alexandra Donny, directrice générale adjointe chargée du secrétariat général de la centrale d’achats hospitalière Resah explique comment elle organise l’arrivée de l’IA dans le quotidien de ses acheteurs et des adhérents. Sa collègue, Camille Labeaune, directrice des infrastructures et solutions numériques, sera grand témoin sur l’atelier-débat « IA generative : Quel bon usage des IA générative dans les achats publics ? », lors des HA Days Achats publics des 2 et 3 décembre à Deauville.
Dans quelle mesure les collaborateurs du Resah utilisent-ils l’IA ?
Nous voulons éviter le « shadow IA » au Resah. Nous sommes donc en train de structurer la manière dont nous protégerons nos données et des règles d’utilisation en interne à travers une charte de bonnes pratiques. Nous constatons aujourd’hui que l’usage de l’IA est complètement libre, que ce soit chat GPT ou encore Copilot. Nous ne savons donc pas réellement quelles données sont mises dans quel outil. La plupart de ces outils sont ouverts, ce qui pose d’évidentes questions de sécurité, par exemple s’ils sont utilisés pour une analyse d’offre, ou une analyse de prix.
Nous voulons contrôler ces usages sans pour autant les brider
Quels sont les usages sauvages les plus courants ?
Nous constatons des usages à chaque étape du processus : pour la rédaction de DCE, de pièces de marché avant publication, pour l’analyse d’offres, pour concevoir des supports de présentation diffusés en comité d’attribution, ou encore des supports de diffusion de nos marchés auprès des adhérents de la centrale d’achats… Nous voulons contrôler ces usages sans pour autant les brider. Il est important que tous nos collaborateurs partagent les mêmes outils. Notre environnement de travail étant sur Microsoft, nous utiliserons probablement Copilot mais nous sommes aussi en train d’expérimenter différentes solutions adaptées à différents usages comme par exemple MA-IA, une solution qui utilise l’IA dans la rédaction de pièces de marché.
Dans quelle mesure l’IA va-t-elle changer le métier d’acheteur au Resah ?
Dans les marchés publics qui sont très processés, l’IA peut être d’un grand secours pour traiter les tâches administratives ou juridiques mais aussi pour traiter des clauses un peu plus complexes ou bien en rapport avec notre spécificité de centrale d’achats, à la fois intermédiaire et grossiste.
L’IA va permettre aux acheteurs d’être plus efficients sur les tâches qui sont déjà les leurs et donc d’améliorer leur réactivité sur toutes les interactions qu’ils ont à la fois côté fournisseur et côté adhérent. Cela leur permettra aussi d’aller plus loin dans la démarche achat, dans l’analyse - peut-être demain en temps réel - de ce qui est acheté. Faire cela nous demande aujourd’hui un grand travail de préparation.
Cet agent IA ira chercher directement des informations dans les pièces de marché quand un adhérent posera une question
Mettez-vous de l’IA dans vos dans vos interfaces avec vos avec vos clients ?
L’espace acheteur, l’interface utilisée par nos adhérents est en cours de refonte et nous nous apprêtons à sortir une nouvelle version qui inclura un agent IA. Cet agent IA ira chercher directement des informations dans les pièces de marché quand un adhérent posera une question sur les clauses d’un marché, par exemple les pénalités à appliquer dans un marché spécifique. Nous le proposerons au deuxième trimestre 2026.
Avez-vous, dans vos systèmes d’information, de la donnée sur vos achats exploitables avec de l’IA ?
Nous avons un CRM pour nos établissements de santé adhérents et nous sommes en train de le décliner pour nos fournisseurs. Nous y rassemblerons au départ des informations fondamentales comme les chiffres d’affaires des années passées, les lieux de production, le cas échéant les labels… tous les éléments qui nous aident à mieux connaître l’entreprise. Chaque trimestre ou semestre, les fournisseurs nous envoient un reporting de tout ce qui a été acheté par nos adhérents et nous essayons, depuis le début de l’année, de structurer cette data. Cela nous permettra à la fois de savoir ce que nos adhérents achètent et de construire des modèles de comparaison des consommations suivant les profils d’adhérents afin d’améliorer notre pilotage de marché. Sur des sujets sensibles comme les médicaments, cela peut nous aider à mieux appréhender nos approvisionnements pour limiter les risques de rupture.
Il y a beaucoup de data que nous n’exploitons pas et l’IA va nous aider à l’analyser. La principale difficulté est liée à la masse de nos données et à la priorisation de ce qu’on veut analyser et de ce qu’on veut piloter.
Nous avons interrogé toutes les directions, ce qui nous a permis de lister 150 cas, du plus simple au plus structurant
Avez-vous mis en place une gouvernance particulière sur ce sujet ?
Nous avons mis en place une instance transverse au niveau du Resah réunissant plusieurs services chargés de réfléchir à notre feuille de route IA. Je suis en charge de ce sujet comme de toute la partie système d’information du Resah et j’y travaille avec en la DSI, les Achats, la direction juridique, les gestionnaires de marchés et la direction générale. Nous sommes là pour booster l’expression du besoin des métiers et nous travaillons aussi sur les expérimentations en cours. En amont, nous avons interrogé toutes les directions, ce qui nous a permis de lister 150 cas, du plus simple au plus structurant.
En plus de cette instance très orientée achats, nous avons un comité de pilotage avec tous les directeurs du Resah pour notre programme stratégique pluriannuel Horizon 2027, dans le cadre duquel nous développons une feuille de route globale de l’usage de l’IA. Nous avons par exemple présenté en septembre un agent RH IA.
Nous étudions avec attention les modèles économiques pour l’agent IA que nous mettrons sur notre espace acheteur l’année prochaine
Comment l’équation économique entre-t-elle en compte dans le développement de ces solutions ?
Tant que nous restons sur un usage réservé à nos collaborateurs, le budget peut être maîtrisé. Nous sommes facturés à la question. En revanche, nous étudions avec attention les modèles économiques pour l’agent IA que nous mettrons sur notre espace acheteur l’année prochaine à disposition de nos 4 000 adhérents. Le coût du recours à ces agents peut s’avérer très important.
Quels types de formation allez-vous mettre en place ?
Nous commençons par la sécurisation et les règles sur les usages. Une fois que notre feuille de route sera plus précise nous proposerons dans le plan de formation 2026 des équipes achats un parcours adapté à nos usages.
Pensez-vous qu’il y a un travail préalable sur la culture d’entreprise à conduire avant de développer des outils IA ? Une culture de la donnée par exemple…
Ce travail est nécessaire sur la culture de la donnée et sur le respect des processus. Le Resah a grandi très vite et parfois plus vite que nous nous sommes structurés. Nous menons un travail permanent sur ce sujet. Nous avons tous les outils nécessaires pour suivre la data mais elle n’est pas toujours bien saisie ou mise à jour. La qualité de la donnée et le respect des processus sont un prérequis sans lequel toute la chaine est boquée.