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Label « fabriqué en Europe », la fonction achats automobile face à un défi existentiel


Le bureau du Comité stratégique de la filière automobile qui s’est réuni, mercredi 26 novembre 2025, a acté un désaccord entre constructeurs et équipementiers automobiles. Leurs divergences risquent de mettre en péril les tentatives de créer un label « fabriqué en Europe » pour favoriser les véhicules incorporant une proportion maximum de pièces construites sur le territoire.

Label « fabriqué en Europe », la fonction achats automobile face à un défi existentiel
Label « fabriqué en Europe », la fonction achats automobile face à un défi existentiel

L’industrie automobile, qui a donné ses lettres de noblesse à la fonction achats et dont certains représentants français - Valéo, en particulier - ont fait école et essaimé des générations d’acheteurs dans tous les secteurs d’activité, vit actuellement un débat existentiel. Doit-elle mettre en place des règles incitant ses membres à acheter français ou ne rien faire, au risque d’amplifier la lente mort qu’elle vit depuis plusieurs années ?

75 % de la valeur ajoutée du véhicule fabriquée en Europe

Le 4 novembre dernier, le PDG de Valéo, Christophe Périllat et président de la Fiev (Fédération des industries des équipements pour véhicule) a proposé d’instaurer un label « fabriqué en Europe » pour les fabricants capables de justifier que 75 % au moins de la valeur ajoutée de leur véhicule a été fabriqué en Europe. Mais mercredi 26 novembre, Renault a douché ces espoirs en refusant de fixer la barre au-delà des 60 %. Et encore, seulement en tenant compte une valeur pour l’ensemble de la marque et non pas par modèle.

Un coup dur pour les équipementiers et encore plus pour l’ensemble des sous-traitants qui composent le reste de la filière en Europe. D’autant plus que ni Stellantis ni Volkswagen n’ont adopté de postions plus favorables, au contraire. Pour eux, le label devrait être accessible lorsque 80 % des véhicules sont « assemblés » en Europe. Ils définissent de surcroît l’origine européenne en se fondant sur une notion de « dernière transformation industrielle » et non de « dernière transformation substantielle », ce qui permettrait d’importer des pièces chinoises et de les transformer a minima en les assemblant en Europe.

40 000 emplois perdus en cinq ans

Ces positions n’ont pas manqué de susciter l’ire du président de la FIEV qui aimerait coupler l’instauration de cette préférence européenne à la révision inéluctable de l’objectif d’interdire les ventes de véhicules thermiques neufs d’ici à 2035. Dans une déclaration commune du 27 novembre, les représentants de la Fiev, de la PFA et des organisations syndicales, CFE-CGC Métallurgie, Fédération CFTC Métallurgie et FO Métaux ne se sont pas privés de partager la perception alarmante qu’ils ont de l’avenir de l’automobile :

« En France, en cinq ans, dans un marché qui s’est réduit d’un quart depuis 2020, 40 000 emplois ont été déjà perdus au cœur du tissu industriel. Et l’étude paritaire, confiée à l’institut Xerfi, dans le cadre de l’EDEC de la filière automobile, évalue à 75 000 le nombre d’emplois menacés d’ici à 2035 »

(…)

« Sur la même période, l’offensive chinoise s’amplifie avec une progression de près d’un tiers des exportations en Europe en provenance de Chine depuis le début de l’année. Et, avec des écarts de coûts avec la Chine de 25 % en moyenne (hors transports), le tissu industriel européen présente désormais une position compétitive dégradée ».

Gageons que le chemin vers le compromis est encore long et ceux qui ont su faire de la fonction achats une arme fatale de performance économique sauront à nouveau transformer sa feuille de route pour dessiner encore les vingt prochaines années de cette belle fonction.