La massification, un levier puissant, à condition de l’articuler avec les enjeux locaux
Directeurs achats, hospitaliers et territoriaux ont débattu des effets réels de la massification : gains économiques, perte de réactivité, innovation, place des PME et équilibre entre échelons. Extraits choisis d’un échange franc et nuancé. Un atelier débat initié par Florian Vinclair, directeur du GCS Achats Santé Bretagne lors des HA Days Achats publics des 2 et 3 décembre à Deauville.
Le débat en trois points clés
• La massification offre des gains forts lorsqu’elle s’appuie sur une expertise mutualisée et un sourcing solide
• Un équilibre doit être construit entre centralisation stratégique et besoins locaux réels pour éviter pertes d’agilité
• Préserver les PME, adapter les critères et maintenir un contract management collectif sont essentiels pour éviter les dérives.
Les bénéfices concrets de la massification
« Les premières mutualisations génèrent toujours des gains importants : regrouper 40 ou 50 communes sur des fournitures basiques, c’est mécaniquement des économies rapides. »
« Quand on mutualise, on gagne aussi un poids de négociation inédit : seuls, certains établissements ne représentent rien ; à 200, on est reçus par les directions nationales des fournisseurs. »
« Au-delà du prix, la mutualisation permet d’accéder à des services impossibles en individuel : formations dédiées, standardisation de pratiques, accompagnement sur l’usage réel des produits. »
Trouver le bon équilibre entre stratégie centrale et autonomie locale
« On ne peut pas tout mettre au national ni tout laisser au local : selon la nature du besoin, il faut choisir l’échelon le plus pertinent et non appliquer une doctrine unique. »
« Certains besoins - travaux, assurance, interventions de proximité - ne sont pas mutualisables, ou alors au prix d’une perte d’efficacité majeure pour les utilisateurs. »
« Le rôle de l’acheteur est d’expliquer, de rassurer et d’ajuster : la réussite dépend autant de la pédagogie auprès des élus que de la technique achat. »
Massifier, au risque de perdre la connaissance terrain ?
« Le frein principal vient de la crainte de perdre le pouvoir d’acheter : certains élus redoutent de ne plus pouvoir travailler avec leurs entreprises locales. »
« Dans les GHT, la centralisation a supprimé des compétences achats dans les petits hôpitaux : l’établissement support se retrouve submergé et les délais s’allongent. »
« Une massification mal calibrée écrase les besoins spécifiques : les 5 % de demandes atypiques portent souvent les enjeux les plus visibles et génèrent des tensions fortes si on les ignore. »
Mutualiser sans focalisation excessive sur les coûts
« La massification des débuts ne produit plus les mêmes gains : le volume seul n’est plus un levier suffisant, il faut aller chercher expertise, standardisation intelligente et innovation. »
« Les opérateurs mutualisés développent des expertises pointues que les établissements ne peuvent plus financer seuls : sourcing, veille technologique, analyse fine de marché. »
« Mutualiser ne doit pas devenir synonyme d’austérité : quand les critères ne valorisent que le prix, on tue l’innovation et on décourage les solutions nouvelles. »
Les risques d’une massification poussée
« Le premier risque, c’est d’évincer les PME locales sans s’en rendre compte : un marché trop large peut tuer un tissu économique qui faisait pourtant bien le job. »
« Les acheteurs alertent : sans allotissement ou critères adaptés, on crée des monopoles et on fragilise la concurrence que les élus souhaitent pourtant protéger. »
« Mutualiser n’exclut pas le suivi : sans contract management commun, même le meilleur marché se délite et chacun finit par revenir à ses pratiques individuelles. »