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Les achats publics ne seront pas souverains sans volonté politique


Entre tensions géopolitiques, contraintes réglementaires et limites industrielles, les acheteurs publics questionnent la capacité réelle de la commande publique à soutenir la souveraineté européenne — voire nationale. Un débat initié par Olivier Bérard, chef du département analyse de données, performance et projets transverses de la DAE, dans le cadre des HA Days Achats publics des 2 et 3 décembre 2025 à Deauville.

Les achats publics ne seront pas souverains sans volonté politique
Les achats publics ne seront pas souverains sans volonté politique

Un sentiment d’urgence renforcé après le Covid

« La crise sanitaire a été un révélateur brutal : certains produits que nous pensions acquis ont disparu du jour au lendemain. La souveraineté est devenue un sujet concret. »

« Depuis quatre ans, le contexte géopolitique — Ukraine, tensions sino‑américaines — a replacé la sécurité d’approvisionnement au cœur des stratégies publiques. »

« Les dirigeants s’intéressent désormais beaucoup plus au sujet : la souveraineté n’est plus théorique, elle touche directement la continuité des services publics. »

Quels secteurs sont réellement sensibles ?

« Les dispositifs médicaux ont été les premiers à entrer dans une logique souveraine, avec des marchés dédiés pour les masques, les gants ou les poches à perfusion. »

« Le point de fragilité majeur reste le médicament : notre dépendance hors UE est telle que la réindustrialisation prendra encore des années. »

« Dans le numérique, la dépendance est spectaculaire : qu’il s’agisse de cloud, de messagerie ou d’infrastructures, l’essentiel des offres critiques n’est pas européen. »

Ce que permet — ou non — le Code de la commande publique

« On peut introduire des critères qualité‑carbone‑logistique pour favoriser des offres européennes, mais pas créer une préférence explicite : la directive ne le permet pas encore. »

« Certains secteurs vont plus loin : en dispositifs médicaux, l’Europe a déjà exclu des offres extra‑européennes, mais c’est très complexe à suivre en exécution. »

« Une évolution du droit est en discussion : la France pousse pour une ‘préférence européenne’, mais cela dépendra des arbitrages politiques au niveau de l’UE. »

Comment agir malgré les limites réglementaires ?

« Le premier levier reste la maîtrise du besoin : parfois, la meilleure souveraineté consiste à internaliser plutôt qu’acheter. »

« Le sourcing devient indispensable : avant tout achat sensible, il faut identifier la réalité de l’offre européenne et sa capacité industrielle. »

« Le contract management est déterminant : c’est en cours d’exécution que se révèlent les risques sur la donnée, la supply chain ou les sous‑traitants. »

Souveraineté européenne ou souveraineté nationale ?

« Sur les sujets critiques, beaucoup estiment qu’il faudrait commencer par favoriser l’offre française avant même l’offre européenne. »

« Dans certains ministères, on va déjà plus loin : des clauses ‘protection France’ imposent d’avoir recours à des entreprises nationales pour des sites sensibles. »

« Le vrai sujet reste industriel : soutenir des acteurs européens est difficile si l’offre n’existe pas, notamment dans le cloud ou certains segments IT. »

Le débat résumé en trois points clés

• La souveraineté est devenue un sujet central depuis le Covid et le durcissement géopolitique

• Les secteurs sensibles sont surtout le médicament, le numérique et certains dispositifs critiques

• Sans offre européenne solide, la préférence locale reste un objectif politique plus qu’une pratique opérationnelle.